François Roth, qui fut président du Comité franco-allemand en 2000 et membre de son bureau de 1996 à 2002, nous a quitté brutalement le 5 mai dernier à la suite d’un accident de la circulation survenu à Nancy. Son activité et son dynamisme en avaient fait un des piliers de notre association. Il nous est difficile d’oublier ses brillantes synthèses à l’issue de colloques comme celui consacré à la France et à l’Allemagne face à la Russie à Verdun, en 1998.
François Roth était né le 16 février 1936 à Gien et venait de fêter ses 80 ans. De père mosellan et de mère berrichonne, il avait fait ses études à Orléans avant de «monter» à Paris. Il avait un temps envisagé de faire une carrière d’ingénieur-paysagiste, mais avait finalement choisi le métier d’historien, sans abandonner pour autant son amour de la nature et « cultiver son jardin » au sens propre du terme.
Après ses études en Sorbonne, il obtient, en 1959, l’agrégation d’histoire. Il rejoint la région natale de son père et est nommé professeur au lycée Fabert de Metz. Il s’était placé pendant ses études en Sorbonne dans le sillage intellectuel et culturel de grands historiens comme Pierre Renouvin, Jean-Baptiste Duroselle et René Rémond. Cinq ans après l’Agrégation, il intègre la faculté des Lettres de Nancy comme assistant puis maitre-assistant. Nommé professeur dans cette même université, en 1977, il y fera toute sa carrière jusqu’à son départ à la retraite en 2002. Cette retraite fut très active, car le professeur émérite qu’il était devenu en profita pour écrire de nombreux ouvrages et participer à de multiples colloques, marqués par ses interventions toujours brillantes et circonstanciées.
François Roth a orienté ses recherches et ses travaux autour de trois axes : la Lorraine, les relations franco-allemandes et l’Europe.
C’est à Nancy qu’il prépare sa thèse d’Etat sous la direction de Pierre Barral et de Jean Schneider. Son sujet La présidence de Lorraine dans l’Empire allemand 1870-1918 comble en 1973 un vide historiographique. Sa thèse est publiée en 1977, année de sa nomination comme professeur à l’université de Nancy. Elle sera rééditée en 2011 sous le titre de La Lorraine annexée.
Pendant dix ans, de 2003 à 2013, il a présidé le Conseil scientifique du Comité d’histoire régionale et a organisé, à ce titre sept colloques et vingt journées d’études. Certains de ces colloques ont été publiés dans Les Annales de l’Est qu’il a également dirigées. Ses travaux personnels ont porté sur les relations entretenues par les Lorrains avec la France et l’Allemagne et sur les conflits franco-allemands dans lesquels la région était impliquée notamment la guerre de 1870 et la Première Guerre mondiale. L’un de ses premiers livre, La Lorraine entre la France et l’Allemagne –itinéraires d’annexés, paru en 1981 dans le prolongement de sa thèse portait sur des figures mosellanes. Très impliqué dans sa région d’adoption, François Roth avait aussi dirigé des ouvrages sur l’histoire de Nancy et était devenu le référent incontournable pour les médias régionaux lors de toutes les élections, qu’elles soient régionales, nationales ou même allemandes.
Sa connaissance de la langue allemande et ses recherches sur la période de l’annexion l’avaient en effet amené à s’intéresser à l’histoire de l’Allemagne, il rédigea deux petits manuels destinés aux étudiants et consacrés à l’histoire allemande depuis 1814. Mais ce sont les relations conflictuelles entre nos deux pays qui ont été le sujet de ses dernières publications : La Guerre de 1870, publiée en 2011 (Fayard) et son dernier livre, sorti en 2014 dans le cadre du Centenaire de la Grande Guerre, Six mois qui incendièrent le monde juillet-décembre 1914 (Tallandier).
Le dernier thème étudié par F. Roth s’imposait : l’Europe. C’est à travers le personnage de Robert Schuman qu’il l’appréhenda. Dans sa remarquable biographie de Schuman, sous-titrée Du Lorrain des frontières au père de l’Europe, parue chez Fayard en 2008, F. Roth avait donné, une fois de plus, la preuve de son sens de la synthèse et de sa connaissance des données historiques et biographiques. Profondément européen, il avait aussi cherché à transmettre ses idées à ses étudiants à travers un petit manuel très synthétique : L’Invention de l’Europe : de l’Europe de Jean Monnet à l’Union européenne (A. Colin 2005).
Il préparait un essai sur Maurice Barrès, un écrivain politique….
Ce grand historien savait transmettre à ses étudiants son message et il était à leur écoute. Comme il le déclarait dans son discours inaugural prononcé le 30 mai 2001 lors de son admission à l’Académie Stanislas : « la fierté de l’historien est d’être une vigie, un veilleur qui accompagne son temps, dont il est le produit et le reflet ».
Chantal METZGER
Professeur émérite
Université de Lorraine (Nancy)
crédits photos: François Roth, en 2008. © Gisselbrecht / Andia.fr / © Gisselbrecht / Andia.fr